La « souveraineté numérique » est un sujet clé en Europe, mettant en lumière la nécessité de contrôler les infrastructures, données, services et compétences numériques face à la prédominance des géants tech américains et chinois. Elle vise à garantir l’indépendance et la sécurité numérique, essentielles pour défendre les intérêts et l’autonomie de l’Union européenne. Avec l’augmentation des cybermenaces et la domination du marché du cloud par des entreprises américaines, atteindre la souveraineté numérique est devenu une priorité. Cela implique une collaboration entre les États membres de l’UE, la Commission européenne et le secteur numérique pour élaborer des infrastructures fiables. Cet article discutera des stratégies, initiatives et succès internationaux visant à concrétiser la souveraineté numérique.
Définir la souveraineté numérique et son importance
Qu'est-ce que la souveraineté numérique ?
La souveraineté numérique se réfère à la capacité d’un État, d’une organisation ou d’un individu de contrôler ses infrastructures, technologies et données dans le cyberespace. Cette notion comprend plusieurs aspects, tels que la capacité d’exercer une souveraineté indépendante en ligne, englobant la cyberdéfense, la gestion des données, des réseaux et des communications électroniques.
Elle englobe aussi le développement de technologies locales, l’indépendance des systèmes critiques, et l’établissement de normes éthiques et légales adaptées à chaque contexte régional. En somme, cela signifie que les États et les organisations doivent pouvoir réguler et contrôler l’usage des technologies sur leur territoire pour assurer la sécurité numérique, réduire la dépendance envers des entités étrangères et protéger leurs intérêts nationaux.
Pourquoi est-elle cruciale aujourd'hui ?
La souveraineté numérique est devenue essentielle en raison de notre dépendance accrue envers les technologies et services numériques. Les innovations comme le cloud computing, la 5G, l’Internet des Objets (IoT) et l’intelligence artificielle ont révolutionné nos modes de communication, de travail et de gestion des données. Cependant, cette évolution présente de nouveaux défis en termes de sécurité, de protection des données et de dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers.
Elle permet aux États de rétablir un équilibre de pouvoir avec les grandes entreprises internationales, qui sont souvent régies par des lois extraterritoriales, et de sécuriser leurs entreprises ainsi que leurs infrastructures critiques. La souveraineté numérique est également vitale pour maintenir l’autonomie, la sécurité et l’innovation dans un environnement numérique de plus en plus compétitif et régulé.
La domination des GAFAM : un défi pour la souveraineté numérique
Les grandes entreprises technologiques américaines, comme les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), détiennent une part importante des données utilisateurs et ont un impact majeur sur les marchés numériques. Par exemple, en 2020, 92% des données mondiales étaient stockées aux États-Unis, illustrant la dépendance des autres pays envers les fournisseurs de stockage de données étrangers.
Stratégies pour renforcer la souveraineté numérique
Adopter et renforcer des régulations locales et internationales
Afin de consolider la souveraineté numérique, l’adoption et le renforcement de régulations locales et internationales s’avèrent essentiels. La France, ainsi que l’Union européenne, ont déjà mis en œuvre diverses mesures législatives et réglementaires dans ce sens. Par exemple, le Digital Services Act européen a pour but d’améliorer la transparence des algorithmes, de protéger les consommateurs contre les abus des grandes plateformes numériques et de combattre la désinformation en ligne.
Ces réglementations jouent un rôle important dans la création d’un espace numérique plus sûr et plus juste. En France, la loi d’orientation et de suivi de la souveraineté numérique (LOSSN) est en préparation, visant à préciser la stratégie nationale en la matière. Cette loi ambitionne d’accélérer la couverture numérique du territoire, d’améliorer l’attrait pour les infrastructures numériques critiques et de protéger la souveraineté numérique française.
Promouvoir l'utilisation de technologies open source et locales
L’adoption de technologies open source représente une clé pour garantir la souveraineté numérique. Les avantages des logiciels open source incluent la portabilité, la réversibilité, l’interopérabilité et la transparence, essentiels pour contrôler les systèmes et les données. Plusieurs gouvernements européens se sont tournés vers des solutions open source pour leurs infrastructures essentielles et la gestion des données, permettant ainsi aux entreprises de garder le contrôle sur leurs données et de rester adaptables.
La promotion de technologies locales est également primordiale. Pour garantir le respect des législations françaises et européennes, et bénéficier de certifications comme SecNumCloud de l’ANSSI.
Investir dans l'infrastructure numérique nationale
L’investissement dans l’infrastructure numérique nationale est essentiel pour renforcer la souveraineté numérique. Cela comprend le développement de réseaux de communication électroniques sécurisés, de centres de données locaux et de systèmes d’information indépendants. Investir dans des infrastructures européennes certifiées assure le contrôle des données critiques, réduit la dépendance envers les acteurs non européens et améliore la cybersécurité. La France et l’Union européenne s’efforcent d’accroître la couverture numérique du territoire, de rendre les infrastructures numériques critiques plus attractives et de développer des centres de données et des câbles sous-marins.
Rôle de la sensibilisation des entreprises
La sensibilisation des entreprises joue un rôle crucial dans le renforcement de la souveraineté numérique face aux géants technologiques. En équipant les organisations de connaissances adaptées, il est possible de renforcer leur capacité à protéger leurs données stratégiques, à privilégier des solutions locales et à réduire leur dépendance à des acteurs étrangers.
Sensibiliser les entreprises aux enjeux de la souveraineté numérique implique de les accompagner dans l’identification des risques liés aux technologies importées, de promouvoir l’adoption de logiciels souverains et de mettre en place des stratégies pour garantir la sécurité et l’autonomie numériques. Cela passe également par la formation des décideurs et collaborateurs aux bonnes pratiques en matière de protection des données et de respect des normes européennes.
Initiatives et cas de succès internationaux
Initiatives Européennes : le RGPD et autres régulations
L’Union européenne a pris des mesures significatives pour améliorer la souveraineté numérique et protéger les données de ses citoyens. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), adopté en 2016 et mis en application en 2018, est une initiative clé qui fixe des règles strictes pour la gestion des données personnelles dans l’UE et l’EEE. Ce règlement renforce le contrôle des individus sur leurs données et harmonise les règles pour les entreprises internationales. En complément, l’UE a introduit la Directive ePrivacy, centrée sur la confidentialité des communications électroniques, exigeant le consentement des utilisateurs pour les cookies et imposant aux opérateurs de signaler les violations de données.
Ces initiatives ont eu un impact global, inspirant des législations similaires dans d’autres régions, comme le California Consumer Privacy Act (CCPA) aux États-Unis et diverses lois en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique.
Exemples de pays ayant des politiques de souveraineté numérique efficaces
Des pays comme l’Estonie se distinguent par leur transformation numérique, grâce à des politiques pro-innovation. L’Estonie a bâti une infrastructure numérique gouvernementale robuste et encourage les startups technologiques, assurant ainsi une grande autonomie et sécurité dans le cyberespace. La France et l’Allemagne ont aussi pris des initiatives notables en signant une déclaration commune pour la souveraineté numérique dans l’administration publique. Leur objectif est de développer des solutions numériques souveraines, open source et interopérables, ainsi que des outils d’intelligence artificielle, pour réduire la dépendance aux technologies étrangères.
Leçons tirées de ces expériences
Les initiatives et succès mentionnés offrent des enseignements précieux pour la souveraineté numérique. L’importance de réglementations solides comme le RGPD, d’infrastructures numériques locales, et de technologies open source est indispensable pour l’autonomie technologique. Les cas de l’Estonie et de la coopération franco-allemande illustrent l’efficacité du développement de solutions internes et de la collaboration internationale. En outre, sensibiliser et éduquer les citoyens et professionnels sur la cybersécurité et l’utilisation responsable des technologies est essentiel pour une navigation sécurisée et autonome dans le numérique.
Conclusion
La souveraineté numérique représente un défi majeur pour les nations, les entreprises et les individus dans notre ère digitale. Elle exige un contrôle complet sur les infrastructures, les technologies et les données dans l’espace numérique, garantissant ainsi l’indépendance, la sécurité et la compétitivité. Des mesures réglementaires telles que le RGPD et le Digital Services Act jouent un rôle fondamental dans la protection des droits des utilisateurs et la régulation des actions des grandes entreprises du secteur numérique.
Pour renforcer la souveraineté numérique, il est essentiel d’adopter des technologies open source, d’investir dans les infrastructures numériques locales et de favoriser l’éducation et la sensibilisation des entreprises aux enjeux du numérique.